Membre de l'Association des Designers Industriels du Québec (ADIQ)
C’était en 1985, la première année où un promoteur était mandaté pour animer le site du Vieux-Port de Montréal. De tous les projets, le Château Lunair est sans doute le plus marquant pour moi. Rares sont les projets de cet envergure laissant autant de liberté de création. Mais ce qui rend ce projet si spécial, c'est surtout toute l'aventure humaine entourant sa réalisation. C'est un projet un peu fou, disons-le et comme tel, il a suscité une sorte d'engouement de la part de ceux qui y travaillaient, souvent dans des conditions plutôt hors normes. Il n'aurait pas fallu avoir un syndicat ou la CSST dans les pattes, mais, il s'est fait.
Genèse du projet
À l’origine, le projet devait symboliser le "Palais des Glaces" à l’entrée de la patinoire de l’Île Sainte-Hélène, l’année précédente. C'est ce qui a inspiré l'assemblage de cônes rappelant des cristaux. Finalement, les organisateurs n’ont pas trouvé les commandites suffisantes et le projet est pour ainsi dire, resté sur la glace. Comme j’avais une maquette gonflable de 4 mètres, j’ai eu l’opportunité de la présentée au promoteur du Vieux-Port qui m’a dit: «Demain matin, 9h00 à mon bureau» et c’était reparti.
Vieux-Port de Montréal, 1985
J’ai dû apporter des modifications au design original à cause d’un changement de vocation. Pour la patinoire, ce n’était qu’une gros effigie de 92 m (300’). Dans le Vieux-Port, l’espace intérieur devenait 2 salles d’exposition de 370 m2 (4000 pi2). C'était beaucoup plus complexe, surtout à cause des accès qui doivent alors être des sas. Expérience intense.
Dans ces années-là, l'ordinateur était encore une curiosité réservée aux universités et on était encore bien loin d'un logiciel de modélisation 3D. Paradoxalement, pour visualiser, il fallait fermer les yeux. Le design des voilures vues de l'intérieur, sont une conséquence géométrique ou structurale d'un travail effectué par l'extérieur. J'ai jonglé avec des volumes de manière à faire un assemblage cohérent et stylisé. En d'autres termes, je me suis concentré sur la géométrie. L'intérieur, ça a été une heureuse découverte au moment du premier gonflement. J'avais imaginé des parties isolément, mais pas une vue d'ensemble des différents points de vue. Aussi, l'effet combiné du soleil, de la translucidité de la membrane et des lignes d'assemblage est allé bien au-delà des attentes. Le mariage à la géométrie a eu comme résultat de créer une infinité de tableaux changeant au gré du jour.
Un mot sur la fabrication
Ce qui est bien avec ce type de fabrication, c'est qu'on peut facilement improviser un atelier. Ça prend un espace aussi vaste que possible, des machines à coudre et dans ce cas, une soudeuse de plancher. Comme espace de travail, je disposais de la gare maritime qui était à proximité du site et qui répondait parfaitement aux besoins. Ensuite, se sont ajouté quelques bons chefs d'équipe et beaucoup d'aides pour la manipulation.
Il aura fallu quelques personnes-clés. 3 1/2 kilomètres de toile de vinyle, près de 35 employés trouvés à la volée et 13 semaines.
Ci-bas, c'est la maquette d'une des deux salles intégrées dans la nouvelle version. Elle était nécessaire pour vérifier la géométrie, mais aussi et surtout pour que le personnel visualise ce qu'il faisait.
Ci-haut, maquette gonflable de la version originale. C'est ni plus ni moins une immense effigie sans plus.
Anecdote
Malheureusement, la faillite des promoteurs en début de saison en empêché sa mise en service. La structure est tout-de-même restée en place jusqu’en septembre à la demande de la Société des Ports qui offrait une surveillance minimum. Cependant, certains jours étaient définitivement plus stressants. Tous les mercredis, mille personnes passaient dessous pour aller assister à un show « heavy metal ». Ces mêmes mille personnes repassaient en fin de soirée dans un état douteux. On craignait évidemment le vandalisme, mais étonnamment, au pire certains s’y sont soulagés.
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